Historique de la chiropratique

Par Dr Yannick Pauli

La chiropratique est officiellement née le 18 septembre 1895 aux États-Unis, lorsque le Dr Daniel David Palmer donna son premier ajustement à un concierge noir, Harvey Lilard.

Harvey Lilard avait perdu l’ouïe 17 ans auparavant lors d’un accident. En examinant sa colonne vertébrale, le Dr Palmer découvrit une vertèbre plus proéminente que les autres. Il émit alors l’hypothèse que cette vertèbre dysfonctionnelle pouvait bien parasiter le fonctionnement du système nerveux et être la cause de la surdité. Avec l’accord de son patient, le Dr Palmer “ajusta” la vertèbre pour restaurer la fonction neurologique. Harvey Lilard récupéra l’ouïe.

Ainsi était née la chiropratique. Le 18 septembre 1895.

Pour le profane, il est souvent surprenant d’apprendre et parfois difficile à comprendre comment un traitement manuel de la nuque peut améliorer l’audition. C’est pourtant neurophysiologiquement tout à fait explicable et une étude clinique a même montré que les ajustements chiropratiques amélioraient l’audition.

Dans ces premières années d’existence, la chiropratique, malgré ses excellents résultats cliniques, s’est développée très lentement. Son expansion a ensuite connu une accélération massive à la suite d’un événement des plus inattendus, la pandémie de grippe de 1917 à 1918. À ce stade, vous vous demandez certainement comment une épidémie virale a pu favoriser le développement d’une profession perçue par la majorité des gens comme étant spécialiste du dos.

La raison est que le traitement chiropratique a un effet favorable sur le système immunitaire. Les chiropraticiens avaient pu observer que leur traitement favorisait la résistance immunitaire. Des statistiques américaines ont montré qu’un patient sur quinze qui recevait des soins médicaux décédait une fois infecté, alors que les patients en soins chiropratiques déploraient une victime sur 866 personnes infectées. Pas étonnant que le bouche-à-oreille ait explosé !

Il existe de nombreux témoignages historiques qui montrent que, jusque dans les années 1930 et la commercialisation des antibiotiques, il n’était pas rare pour les chiropraticiens de passer la nuit au chevet de leurs patients souffrant d’infection et de les traiter régulièrement au travers de la nuit.

J’explore le lien entre les soins chiropratiques et système immunitaire dans un des chapitres de mon livre « Super-Immun ».

Le succès des chiropraticiens a par contre eu un revers de la médaille. La médecine classique ne voyait pas d’un bon œil cette compétition et dans la première moitié du siècle, des milliers de chiropraticiens ont été condamnés pour pratique illégale de la médecine et des centaines d’entre eux ont été mises en prison. La médecine n’y allait pas de main morte. Pendant des décennies, elle a tenté d’éliminer tous ses compétiteurs.

Elle a par exemple réussi à contrôler l’ostéopathie en l’invitant en son sein et en la dépossédant de sa philosophie. Elle a réussi, du moins aux États-Unis, où, aujourd’hui, un docteur en ostéopathie fait un travail équivalent à un médecin, en prescrivant des médicaments et en pratiquant des actes chirurgicaux. Moins de 5 % des ostéopathes américains utilisent encore des traitements manuels.

Les chiropraticiens, eux, tel Astérix et son village de Gaulois qui résistait aux Romains, étaient des passionnés inconvertibles. La plupart des praticiens de la première moitié du siècle étaient des patients qui avaient miraculeusement guéri grâce à la chiropratique, là où la médecine avait été incapable de les aider. Ils avaient la foi en la capacité naturelle du corps à se guérir et en la capacité de la chiropratique à soutenir ces mécanismes innés de guérison.

Dès les années 1910, la médecine américaine s’est engagée dans la voie scientifique et s’est dès lors arrogé le monopole de la pratique médicale. Elle s’en est également prise à la naturopathie, fondée en 1901 et a quasiment réussi à la faire disparaître. Ce sont les chiropraticiens qui, grâce à leur pratique naturelle, ont maintenu les grands principes de guérison naturelle, pour permettre à la naturopathie de renaître dans les années 1970.

Cette tension avec la médecine s’est maintenue jusqu’à en 1987, date à laquelle, suite à un procès intenté par plusieurs chiropraticiens, l’Association Médicale Américaine a été reconnue coupable de tentative, pendant près d’un siècle, d’élimination de la profession chiropratique. Le procès avait mis en lumière que cette association faîtière des médecins avait interdit à ses membres de référer des patients aux chiropraticiens. À la suite de ce jugement, les relations se sont progressivement améliorées.

Aujourd’hui, en Suisse, la formation de chiropraticien se fait à la chaire de Médecine de l’Université de Zurich. Les temps ont bien changé ! La Suisse a d’ailleurs toujours été en avance en matière d’intégration de la Chiropratique. En 1939, Zurich fut la première juridiction en dehors de États-Unis à autoriser la pratique de la chiropratique. En 1964 en Suisse, sur référendum, la chiropratique est devenue l’une des cinq professions médicales. En 2020, le CHUV de Lausanne à ouvert une consultation chiropratique.

Pourtant, cette intégration avec la médecine peut aussi faire perdre son âme à la chiropratique, tout comme l’ostéopathie américaine a perdu son âme en acceptant de rejoindre la médecine.

En 2020, lors de la réunion annuelle des chiropraticiens, des étudiants de l’Université de Zurich expliquaient que l’une de leur préoccupation principale était qu’ils ne comprenaient pas en quoi ils étaient différents des étudiants en médecine avec qui ils avaient partagé la majorité de leur cursus. 75 % des étudiants en chiropratiques prévoient de prescrire des médicaments et la majorité se voient comme une sous-spécialité de la médecine.

La chiropratique a tant apporté au monde qu’il serait un véritable désastre qu’elle soit absorbée par la médecine comme l’une de ses sous-spécialité. Si la chiropratique perd son âme, sa philosophie et son unicité, les patients auraient grandement à perdre.

Je termine ce bref survol historique de l’influence de la chiropratique avec une brève anecdote qui étonne souvent mes patients. Comme de nombreuses personnes, vous êtes certainement familiers ou avez entendu parler de la kinésiologie, cette approche basée sur le testing musculaire. Saviez-vous qu’elle est issue de la chiropratique ? En effet, c’est un chiropraticien, le Dr Georges Goodheart, qui, dans les années 1960, a inventé la kinésiologie appliquée. Dès le début des années 1970, certains de ses premiers étudiants ont commencé d’enseigner certains aspects de cette pratique au public. De là est née la kinésiologie.

 

About the author

Dr. Yannick Pauli

Chiropraticien à Lausanne, le Dr Yannick Pauli pratique avec passion sa profession depuis plus de 20 ans en proposant une vision holistique et globale à sa prise en charge. Il est l’auteur du « Guide Complet de la Chiropratique » et anime chaque semaine une émission d’information santé sur sa chaîne YouTube « Une Grande Vie.